Nous avons voulu savoir pourquoi.
Un nombre alarmant de Quebecois meurent dans la solitude la plus complete. Personne Afin de noter qu’ils ne sont plus de votre monde ; personne Afin de s’occuper de leurs funerailles et leur rendre 1 soir hommage. Ils finissent dans des fosses communes, dans l’indifference limite totale. Comment en est-on arrives la ? Pour saisir, notre journaliste a remonte l’histoire de quelques-uns de ces defunts oublies.
Richard le solitaire
L’odeur m’assaille des que je m’engage au couloir menant a l’appartement, au troisieme etage d’un immeuble de logements sociaux pour individus agees, pres du pont Jacques-Cartier, a Montreal. Un melange de viande avariee, de camion a ordures et d’egouts. Un relent acre et collant, qui semble s’incruster dans la peau, s’accrocher dans ma gorge, et qui me laissera les narines a vif, hypersensibles a toute odeur animale.
C’est une telle puanteur qui possi?de inquiete les voisins et les a pousses a alerter les secours. Le 24 avril, Quand des policiers paraissent entres dans le logement, Richard J.* etait mort depuis deja 2 semaines.
J’ai depouille de l’homme de 62 ans vient d’etre emportee quand j’arrive sur les lieux, en compagnie des nettoyeurs charges d’effacer les traces du drame. Acheve via une maladie coronarienne, il souffrait de diverses maux chroniques, apprendrai-je en parcourant le rapport du coroner qui enquetera sur les circonstances du deces. A voir les eclaboussures rougeatres qui souillent le plancher du petit trois-pieces, sa mort n’a pas ete paisible. Richard J. a lutte.
Cela a du vomir du sang en jets explosifs, d’abord pres de le lit, puis dans la salle de bains et, enfin, au salon. C’est la, par terre, affaisse concernant son flanc, qu’il a rendu le dernier souffle. A cet endroit, le sang s’est fige en une couche epaisse, visqueuse et texturee, d’un rouge sombre. Une mouche paresseuse s’attarde alentour. Au milieu de la tache, Je visite une touffe de cheveux noirs, epais et drus comme ceux d’une vieille poupee, qui paraissent restes colles concernant le sol lorsque le corps fut emmene.
Tout pres, sur le sol, git le portable, le fil a demi englue dans la flaque coagulee. Peut-etre Richard J. a-t-il tente d’appeler a l’aide dans ses derniers moments ? « Cela etait ben malade, me raconte une voisine, Paulette Lalonde. Je lui avais devoile : “Si jamais vous vous sentez mal, vous avez juste a cogner au mur de ce chambre, je vais appeler quelqu’un.” » Neanmoins, i§a n’a rien entendu. « J’ai ete des heures a y penser, ajoute-t-elle, ebranlee. S’il faut qu’il ait pati une couple de jours sans elle avant de mourir… »
En plus en plus de Quebecois s’eteignent dans la solitude, symptome d’une agence ou l’on vit forcement plus chacun de son cote. Quand pas de membre une famille ne se manifeste pour prendre en charge la depouille, celle-ci est declaree « non reclamee », une etiquette administrative qui semble convenir davantage aux trucs qu’aux etres. Dans Divers cas, on ne trouve personne dans l’entourage du defunt supprimer girlsdateforfree ; dans d’autres, des proches survivent mais refusent d’assumer la responsabilite des funerailles.
Le nombre de corps non reclames a limite double au Quebec au cours d’la derniere decennie, etant passe de 213 en 2008 a 399 en 2016, par rapport aux donnees fournies par le ministere de la Sante et des Services sociaux (MSSS) et par le Bureau du coroner, des deux entites qui gerent ces cadavres. Dans l’intervalle, le nombre total de deces n’a progresse que de 11 %.
Le Quebec detient d’ailleurs le record canadien a ce chapitre, enregistrant environ morts non reclames que toute autre province, y compris l’Ontario. Quand on calcule un moyenne annuelle depuis 2008, le nombre de cas au Quebec depasse de 29 % celui de sa voisine ontarienne.
Or, l’Etat quebecois se soucie peu du dernier repos des esseules. Ici, contrairement a d’autres instances au Canada et aux Etats-Unis, l’Etat est trop chiche pour offrir une sepulture digne a toutes les personnes qui meurent sans rien ni personne. Ils finissent limite l’ensemble de inhumes sans ceremonie dans une fosse commune, sans une parole ou une priere pour des saluer, sans la moindre plaque qui les identifie. Oublies de leur vivant, anonymes dans la fond.
Tout pres, via le sol, git le telephone, son fil a demi englue dans la flaque coagulee. Peut-etre Richard J. a-t-il tente d’appeler a l’aide dans ses derniers moments ?
Les deux employes de l’entreprise Dryco s’attellent a nettoyer ce qui reste de l’agonie de Richard J. Couverts d’un survetement de plastique blanc a capuchon, de gants de caoutchouc et d’un masque respiratoire, Nathalie Drouin et Frederic Tremblay (qui forment aussi un couple) ont l’air de techniciens de laboratoire affrontant 1 dangereux virus. Suant a grosses gouttes dans votre attirail, Frederic demonte au marteau et au pied-de-biche les lattes rougies de sang du parquet, puis Nathalie, a quatre pattes, armee de desinfectant, de torchons et d’une simple brosse, frotte le sous-plancher ou nos fluides corporels se sont infiltres. Un purificateur d’air et un diffuseur d’huiles essentielles resteront en roule toute la nuit Afin de eliminer cela subsiste d’odeurs ainsi que contaminants.
Maladroite et suffoquant dans l’equipement protecteur que j’ai revetu moi aussi, je circule dans l’appartement sans trop savoir ou mettre les pieds. Richard J. y avait mis du sien pour amenager un logis agreable, propre, impeccablement range. Des bibelots a l’effigie de Jesus et de Sophie paraissent disposes un tantinet partout. Dans le salon, des poissons rouges vivotent bien en trois aquariums qui emplissent les lieux d’un glouglou insistant. Plusieurs figurines d’animaux en laiton forment votre joli troupeau sur le manteau de la cheminee. Dans la chambre, un chiot en peluche monte la vais garder dans le lit une place.
Qui sait de quoi son quotidien etait fera. Cela vivait de l’aide sociale, souffrait de diabete, d’hypertension et d’alcoolisme, se nourrissait probablement minimum ou mal. Plusieurs boites de soupe aux pois et de jus de tomate s’entassent au garde-manger ; le frigo, presque vide, ne contient que 2 grosses bouteilles de biere, un sac d’oignons, du beurre d’arachides et quelques condiments. Sa voisine Paulette Lalonde le voyait de temps en temps bouger se balader sur son triporteur. « di?s qu’il faisait excellent, il partait de bonne heure et il revenait juste le soir. »